|
 Responsable
de 90 % des cancers du poumon et de 60.000 décès par an, le tabagisme
est la première cause de mortalité évitable. Si rien n'est fait, le
nombre de victimes pourrait doubler d'ici 2025. Face à ce problème de
santé publique, de nombreux acteurs administratifs, associatifs,
médicaux ou éducatifs se mobilisent à
travers différents plans de lutte et campagnes d'information.
La
lutte anti-tabac s’essouffle !
Alors que vient de se clôturer la
deuxième conférence internationale francophone sur le contrôle du tabac,
il semblerait que la lutte contre la cigarette marque le pas. Pour
vaincre ce fléau responsable de 60 000 décès par an, ne faudrait-il pas
passer à la vitesse supérieure ?
Essoufflement des campagnes d’informations, moratoires sur les prix du
paquet de cigarettes … Après des résultats encourageants, la lutte
anti-tabac décline à mesure que les ventes de cigarettes augmentent à
nouveau.
La cigarette refuse
de s’éteindre
Lors du lancement du
plan cancer, le tabac avait été désigné comme l’ennemi public numéro un. Le président
Jacques Chirac lançait lui-même les premières attaques en mars 2003 :
"Si l’on ajoute aux cancers du poumon les cancers des voies aéro-digestives,
ce sont environ soixante mille décès qui sont chaque année liés directement
au tabac". Quelques mois plus tard, les fortes hausses
du prix des cigarettes frappaient un grand coup. Entre
novembre 2003 et début 2004, le prix moyen du paquet passait de moins de
4 euros à plus de 5 €.
Mais il semble qu’aujourd’hui
ce fléau
renaisse de ses cendres. Comme en témoignent les résultats du premier semestre
du cigarettier Altadis (ex Seita), les ventes de cigarettes blondes augmentent légèrement (de 1,7 %), alors que l’an passé à la
même époque la consommation chutait de près d’un quart (Communiqué
sur les résultats du premier semestre 2005 Altadis).
Autant dire qu’en dehors
des baisses d’activité des buralistes frontaliers, il semblerait que désormais ça
roule pour les débitants de tabac… Alors ne faudrait-il pas procéder à une
nouvelle augmentation des prix ? Impossible car face à la grogne des
buralistes, le
Premier ministre Raffarin a concédé fin 2003 un moratoire sur les prix
jusqu’en 2008 ! Privée de ce levier efficace, la lutte anti-tabac
espèrent se relancer en réduisant les lieux dévolus à la cigarette.

Tabagisme passif :
la loi Evin peu active …
La loi Evin du 10 janvier
1991 vise entre autre à protéger
les non-fumeurs du tabagisme passif. Depuis le 29 juin 2005, un arrêt de la
Cour de cassation va plus loin et oblige les employeurs à protéger les salariés
du tabagisme. Mais selon une enquête Ipsos/Pfizer réalisée en juillet 2005
(Communiqué Pfizer du 19 septembre 2005),
ces obligations restent trop souvent lettres mortes… Seulement 23 %
des français affirment que la loi Evin est strictement appliquée dans leur
entreprise et 21 % déclarent qu’il n’est pas interdit d’y fumer. Ce
qui représenterait 4.6 millions de personnes enfumées !
Certains sont
mieux protégés que d’autres : les ouvriers (31 %) travaillent davantage
que les cadres (11 %) dans des entreprises hors la loi. Pleinement conscients
des dangers du tabagisme passif, 78 % des salariés pensent que les employeurs
devraient garantir à tous un environnement de travail sans fumée. La plupart
d’entre eux (87 %) estiment que les médecins du travail devraient pouvoir
accompagner tous les fumeurs souhaitant arrêter.
Selon le professeur Bertrand
Dautzenberg, Président de l’Office Français de prévention du Tabagisme(OFT),
"L’entreprise
est responsable de la protection des salariés non-fumeurs, mais elle se
doit aussi d’aider les fumeurs à s’arrêter. L’OFT accompagne les entreprises à ce
passage à "l’entreprise sans tabac" en leur fournissant les
moyens d’aider les fumeurs qui le souhaitent à réduire leur consommation,
ou mieux à ne plus fumer. Certaines entreprises s’engagent ainsi à fournir
des substituts nicotiniques à leurs employés et mettent en place des accompagnements
médicalisés de sevrage tabagique. Ces initiatives sont d’ailleurs très
bien accueillies par les employés non-fumeurs et fumeurs".
Outre le respect de la loi dans l’entreprise, la lutte anti-tabac évoque de
nouveau la possible interdiction totale de fumer dans les lieux publics.
Défendu par le Comité national contre le tabagisme dès septembre 2004, cet
argument n’avait alors pas retenu l’attention du ministre de la santé.

Bonne élève de l’Europe, l’Irlande se met au
vert
La prise de conscience des dangers du tabagisme passif pousse
aujourd’hui les pays européens à bannir la cigarette des lieux publics
et notamment des restaurants. A ce sujet, le Pr. Dautzenberg rappelle le
bénéfice d’une telle mesure : "Dans les pays tels que l’Irlande où le
tabac a été interdit dans les lieux publics, le taux de benzène a ainsi
été divisé par trois, descendant en dessous des taux réglementaires de
l’air des villes, ce qui confirme l’impact important de l’interdiction
de fumer sur la qualité de l’air respiré !".
Car c’est bien l’Irlande qui fait figure d’exemple. Ce pays a été le
premier à imposer une telle interdiction en mars 2004, rejointe par
l’Italie en janvier 2005 puis par la Suède en juin 2005. Et les
résultats sont au rendez-vous : depuis l’instauration de cette loi,
environ 7 000 personnes ont arrêté de fumer. Selon la Société irlandaise
du Cancer, le nombre de fumeurs qui sont parvenus à arrêter a augmenté
d’un tiers. Une étude menée à l’échelon national montre que plus d’une
personne sur dix a décidé d’arrêter de fumer en raison de l’interdiction
de fumer sur les lieux de travail.
Dans plusieurs pays d’Europe, le débat est ainsi relancé. En France,
l’Union des métiers de l’industrie de l’hôtellerie (Umih) a senti le
vent tourner. S’appuyant elle aussi sur un sondage Ifop selon lequel "70
% des personnes interrogées affirme que la cohabitation entre fumeurs et
non fumeurs est possible et souhaitable" (Communiqué de l’Umih du 8
septembre 2005), l’Umih entend s’arc-bouter sur la stricte défense de la
loi Evin. Pour appuyer cette contre-attaque, une campagne de
communication sera lancée auprès des patrons de bars, hôtels,
restaurants et discothèques. Notons que l’Umih compte parmi ses
partenaires officiels le cigarettier Altadis.
Entre santé publique et lobbying industriel, quelle sera finalement la
décision politique ? La réponse pourrait arriver dès le 3 novembre 2005,
date à laquelle le députe UMP d’Alsace, Yves Burr devrait déposer une
proposition de loi visant à interdire de fumer dans tous les lieux
publics et de travail. Affaire à suivre, donc.
RéFéRENCE
:
David Bême |
|